On m’a dit qu’il existe toujours plus de fanatiques dans le monde !

Auteur: Délia STEINBERG GUZMANN

libéré 20-01-2018

Silhouette d'un soldat dans le brouillard

On ne se bat plus pour l’honneur !

L’auteur s’interroge sur le sens du mot « fanatique ». À ne pas confondre avec l’idéaliste, qui s’il défend ses idées avec fermeté, cherche à se faire comprendre des autres.
On m’a dit qu’il existe toujours, plus de fanatiques dans le monde. Et c’est vrai, il suffit de lire, même de façon superficielle, les journaux pour y trouver de quoi tirer des conclusions dramatiques à ce sujet.
On ne peut parler de guerre, mais de batailles. On ne se bat plus pour l’honneur, mais on assiste à la guerre économique. On ne défend pas une tradition, une patrie, ou des symboles sacrés, mais les races s’opposent aux races … Jour après jour, nous sommes informés du pauvre fou (et peut-être pas aussi pauvre ou aussi fou qu’il ne semble) qui attaque ceux qu’il considère comme ses ennemis, simplement parce qu’ils ne pensent pas de la même façon que lui ou parce qu’ils appellent Dieu d’un autre nom. L’agressivité augmente progressivement, des uns contre les autres, dans la même mesure qu’augmentent les divisions et les différences entre les uns et les autres.

Personne ne peut plus parler à personne … Des liens fondamentaux ont été brisés, le dialogue a été rompu. Le fanatisme avec son cortège d’aberrations, semble s’être emparé du domaine de la vie humaine.
Il n’y a plus de concessions, de compréhension, de respect. On brandit de nombreuses pancartes sur les « Droits de l’Homme » qui, naturellement, restent lettre morte. Le fanatisme peut tout se permettre et les crimes les plus horribles s’appellent « Revendications ».
Mais, comme si cela ne suffisait pas, le fanatisme engendre le fanatisme et chaque fois plus.

Ainsi naît une autre forme d’aveuglement sur laquelle on ne m’a rien dit, mais que je ne peux m’empêcher de voir.
Il s’agit du fanatique qui considère comme fanatiques tous ceux qui ne sont pas comme lui.
Tous ceux qui, d’une façon authentique et caractéristique de l’être humain, essaient de vivre en accord avec quelques idées en les défendant avec fidélité et enthousiasme, tombent dans ce piège. Mais néanmoins, il existe une grande différence entre le fou obsédé qui, et c’est le comble, est incapable d’expliquer de façon cohérente les idées qu’il défend et l’homme idéaliste qui prétend vivre de la façon dont il pense.

Alors que le fanatique détruit, l’idéaliste cherche à convaincre les autres de la valeur de ses idées (qu’il se trompe ou pas), faisant preuve de méthodes nettement différentes. Tandis que le fanatique s’enferme dangereusement dans quelques concepts, l’idéaliste apprend toujours de la Vie, ajoutant ainsi de nouvelles et riches expériences à son avoir. Alors que le fanatique devient, chaque jour qui passe, plus dur et sans pitié, l’idéaliste souhaite avoir, chaque jour qui passe, plus de compréhension pour s’adresser aux autres.

Au nom de toutes ces différences, il est logique que personne ne souhaite s’identifier aux fanatiques.
Mais cela ne veut pas dire que l’on ne peut pas défendre des idées avec fermeté et clarté. Si les idéalistes du monde abandonnaient leur attitude ferme et décidée par rapport à l’idéal qu’ils suivent, ils donneraient naissance à un nombre toujours croissant de fanatiques. Là où manquent l’intelligence et le bon sens, apparaissent la folie et la stupidité. Là où il n’y a pas d’hommes sûrs de leurs idées, naissent les fanatiques.

On m’a dit, et c’est certain, qu’il y a toujours davantage de fanatiques dans le monde. Mais ceux qui disent cela ne se rendent pas compte que cette situation parle fort peu en faveur des capacités de ceux qui se prétendent « non fanatiques » : s’ils ne sont pas fanatiques, ils n’osent pas pour autant combattre le fanatisme par la sagesse. Et ce dont ils ne se rendent pas compte non plus, c’est que la plus grande illusion de tout fanatique est de communiquer sa fièvre à tous ceux qui l’entourent ou en tous cas les rendre stériles par son élan et sa mauvaise image.

On m’a dit qu’il y a toujours plus de fanatiques dans le monde … Je suis d’accord, mais, éclaircissons quelques idées. Si être fanatique, c’est vivre en accord avec un Idéal et le servir avec désintéressement ; si être fanatique, c’est diffuser ses propres idées en essayant de faire le bien avec les mêmes éléments qui nous ont fait du bien à nous ; si être fanatique, c’est placer les grands idéaux au-dessus des contingences matérielles quotidiennes, alors mettez-moi dans la longue liste de ceux qui sont chaque fois plus nombreux dans le monde.
C’est peut-être une simple question de temps, il suffit d’attendre que le Temps passe, jusqu’à ce que ceux qui « aujourd’hui disent » , et font de tout un amalgame, arrivent à dire demain qu’il y a beaucoup de fanatiques dans le monde, mais que tout le monde n’est pas fanatique.

(paru dans la revue n°90 – juillet-aout 1986)

N.D.L.R. Le titre et le chapeau ont été rajoutés par la rédaction

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