Conviction et fanatisme

Auteur: Par Délia STEINBERG GUZMAN

libéré 28-02-2019

Fanatisme Foule en revendication

Fanatisme Foule en revendication

L’auteur s’interroge sur la différence entre les convictions et le fanatisme. Une distinction importante que le philosophe doit garder en tête pour devenir un être authentique, accompli, mû par un idéal.

Périodiquement, la mode s’empare de terme, qui, sans discrimination, ne cessent de faire les titres dans les médias, courent de bouche en bouche et perdent leur sens. Nous en avons tant lu et tant entendu sur les sectes, les intégrismes, les fondamentalismes, les terroristes, les bandes armées, les manipulateurs, les escrocs, les corruptions, que nous ne savons plus qui ni quoi croire.
Pour comble de malheur, ces termes qu’on a introduits sont liés à l’idée de fanatisme, dont personne, pour échapper à une telle horreur, n’ose prononcer le nom, ni dans un sens ni dans l’autre, de peur d’être considéré comme un fanatique de plus.
Cette attitude néfaste qui consiste à mettre en valeur tout le mal, à lui accorder la plus grande partie des espaces d’information, non seulement pour faire savoir aux gens ce qui se passe mais pour gagner prestige et argent de façon vile et pas toujours loyale, a engendré le pire qui puisse arriver à l’humanité : l’absence de convictions.

Notre intention est de clarifier la différence que nous voyons entre conviction et fanatisme, pour que les choses mises à leur place, chacun puisse porter un jugement, tant sur lui-même que sur les autres, avec un peu plus de discernement.

La conviction est un profond engagement, psychologique, intellectuel et moral, issu d’une adhésion progressive et fondée sur de bonnes raisons, des preuves, des expériences, des modèles et des bases solides.
Une personne qui a des convictions manifeste une santé globale, une assurance enviable, elle sait d’où elle vient et où elle va, ce qui lui permet de se mouvoir avec équilibre et bon sens.
Les convictions naissent de l’exercice constant de nos aptitudes intérieures et de la transformation progressive d’opinions changeantes en jugements stables. Ce n’est ni de l’ankylose ni de la stagnation : au contraire, une personne qui a des convictions vit au rythme des Idées, car elles ont une énergie propre et un rythme naturel de développement.

Une personne qui a des convictions est tolérante. Elle est ferme pour ce qui la concerne mais laisse place aux autres.
Toujours disposée à écouter, elle ne déprécie pas ceux qui pensent autrement. Elle possède une tolérance active : elle entend les autres, expose et défend ses propres idées sans blesser, sans offenser. Elle sait créer un espace pour elle-même et pour les autres. Elle ouvre un espace, génère de l’espace, reconnaît son propre espace, n’envahit pas les autres espaces, ne harcèle, n’inquiète ni ne maltraite son entourage. Elle ne s’impose pas de façon tyrannique ni ne se considère comme la somme de toutes les perfections. Sa conviction est ce qui l’aide à avancer, à être toujours un peu meilleure.

Une personne fanatique pense peu ou pas. Elle admet comme bon ce que les autres lui donnent et développe, plutôt que des sentiments, des passions incontrôlables qui la poussent à des actions inconscientes dont elle ne se repent même pas parce qu’elle ne peut les évaluer.

Le fanatique ne connaît qu’une idée, si tant est qu’il la connaisse. Il est plus exact de dire qu’il n’accepte qu’une idée et qu’il n’est pas parvenu à cette conviction par une adhésion personnelle mais sous l’effet d’une contrainte habilement dissimulée dans la plupart des cas. Le désir latent d’aider l’humanité, qui ne parvient pas à être canalisé de façon adéquate chez tant de gens, fait d’eux des proies faciles pour les — déjà — fanatiques ayant besoin d’utiliser d’autres imbéciles qui entrent dans leur jeu.

Le fanatique est intolérant par définition. Il n’accepte même pas l’existence de gens qui puissent sentir et penser autrement ; c’est pourquoi tous les moyens lui sont bons pour tenter de les éliminer, et la mort et la torture font partie des terribles manifestations de cette attitude. Le fanatique n’écoute pas, il est incapable de dialoguer. Il se contente de crier tout haut ses principes pour s’étourdir avec sa propre voix et ne laisser place à aucune autre opinion. Ce qu’il a lui suffit grandement.

Il est extrêmement important pour les acropolitains de faire la distinction entre l’une et l’autre attitude, car la conviction est le fait de philosophes et le fanatisme celui de fous. Il est certain que nous devons vivre avec beaucoup — trop — de fanatiques, mais nous ne pouvons tomber dans l’imitation inconsciente de cette aberration ; même si l’absurdité qui nous gouverne fait qu’elle prend plus de temps et d’espace que les œuvres nobles et profitables à l’humanité. Il nous faut garder notre intégrité morale et poursuivre notre apprentissage de disciples pour devenir des êtres humains aux convictions authentiques, des êtres accomplis en possession d’un idéal, avec vocation au présent, amour du passé et goût pour l’avenir.

N.D.L.R. Le chapeau a été rajouté par la rédaction

Article paru dans la revue N° 139 de Nouvelle Acropole (Septembre octobre 1994)

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